Skip to main content

Jean Marcadé (1920-2012)

 

 Jean Marcad

 

Le 28 décembre 2012, le professeur Jean Marcadé est décédé ; il était né à Libourne en 1920. Ce savant s'imposa comme l'un des meilleurs hellénistes de sa génération. Elève de l'Ecole Normale supérieure, il fut remarqué par le maître Charles Picard, qui le recruta comme moniteur à l'Institut d'Art. I1 obtint l'agrégation de Lettres classiques (1943) et devint membre de l'Ecole française d'Athènes où il séjourna de 1946 à 1953. C'est à la faculté des Lettres de Bordeaux (depuis université Michel de Montaigne Bordeaux III) alors située dans le bâtiment du cours Pasteur qui abrite aujourd'hui le musée d'Aquitaine, que commença sa carrière d'enseignant. D'abord chargé d'enseignement, il soutint en 1 969 sa thèse de doctorat qui fut publiée sous le titre Au musée de Délos. Etude sur la sculpture hellénistique en ronde-bosse dans l'île. Nommé professeur titulaire de la chaire d'archéologie classique et d'histoire de 1'art antique, il fonda un centre de recherche interdisciplinaire d'archéologie analytique et, dès
1971, parallèlement à son enseignement bordelais, il dirigea un séminaire de sculpture grecque à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne. En 1978, il y fut élu professeur d'archéologie classique et y dispensa ses leçons jusqu'à sa retraite en 1989.

Spécialiste de la sculpture de la Grèce classique, de l'archéologie de Délos, de Delphes, du Parthénon, de Xanthos en Asie Mineure, iconographe remarquable, Jean Marcadé était réputé pour son coup d'œil exceptionnel qui faisait de lui un analyste hors pair. Sa méthode reposait sur la prise en compte des aspects matériels et techniques des œuvres qu'il associait à l’iconographie. I1 se fit connaitre des spécialistes de sa discipline, outre sa thèse, par d'innombrables articles publiés dans les revues savantes (Bulletin de Correspondance hellénique, Supplément du Bulletin de Correspondance hellénique, Revue des Etudes anciennes, etc.) et par des études et ouvrages de référence qu'il est impossible de recenser dans cette trop courte notice; nous nous bornerons à signaler son Essai d'un répertoire des sculpteurs célèbres (antiquité grécoromaine), (Mazenod, 1954) et ses Etudes de sculpture et d'iconographie antiques. Scripta varia (1941-1991), (Paris, Publications de la Sorbonne, 1993). Mais son souci de communiquer son immense culture le conduisit aussi à écrire des livres de vulgarisation savante dont les deux
plus remarqués furent Roma Amor (Nagel, 1958) et Eros Kalos (Nagel, 1962).

Jean Marcadé s'impliqua grandement dans la vie scientifique en devenant membre des Conseils de 1'Ecole française d'Athènes, du Comité national du CNRS et du Comité scientifique des Universités, Président du Comité de rédaction de la Revue des Etudes anciennes etc. I1 était également membre de la Société des Antiquaires de France, du Deutsches archäologisches Institut de Berlin et de la Société archéologique d'Athènes. Les honneurs récompensèrent cette activité : élu correspondant de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres en 1978, il devint membre de l'Institut en 1983 et le présida en 1994. Il était également membre de l'Académie royale des Sciences, Belles Lettres et des Beaux-Arts de Belgique et de l'Académie nationale des Sciences, Belles lettres et Arts de Bordeaux.
I1 était Chevalier de la légion d'Honneur. Commandeur de l'Ordre national du Mérite et des Palmes académiques, Officier des Arts et Lettres.

Le professeur Marcadé est toujours resté attaché à ses racines méridionales et bordelaises et, outre sa bienveillance envers ceux qui avaient été ses anciens élèves, il manifesta son intérêt pour les antiquités de Bayonne, Agen, Villeneuve-sur-Lot et, bien entendu, Bordeaux. Au musée d'Aquitaine, il a participé à la reconstitution et à l'assemblage de presque toutes les sculptures et éléments d'architecture restés à l’état fragmentaire.

Il publia aussi un important article sur les rites funéraires romains '. Au musée des antiques de Bordeaux : stèles, cippes et loculi (Gallia,1965, N° 23 -1). Il prononça à l'Académie nationale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux dont il était membre une conférence « Un regard nouveau sur la sculpture grecque » (Actes de L’Académie, XIII, 1988).

En 1967, il devint membre de la Société archéologique de Bordeaux qu'il présida de 1968 à 1970; il lui resta fidèle pendant cinquante ans et accepta, en 1986, d'en devenir président d'honneur. Pour honorer notre Société, il la gratifia à l'occasion d'une assemblée générale d'une mémorable conférence sur 1'Acropole. Le Bulletin de La Société archéologique a publié son article « Observations sur le cratère de Dereni. (LXVIII, 1970-1973, pp. 127-141).

Ceux qui ont eu le privilège de suivre l'enseignement du professeur Marcadé gardent le souvenir de ses leçons éblouissantes dispensées à des horaires improbables dans une petite salle en sous-sol du palais universitaire du cours Pasteur. Certes, il transmettait sa science mais plus encore sa ferveur pour la beauté. Il savait la faire découvrir par la finesse de son observation et de ses analyses guidées par une érudition confondante, mais aussi par son empathie avec les œuvres. C'est l'honneur de ce grand savant que d'avoir voulu transmettre non seulement des connaissances mais aussi les valeurs éternelles de la culture grecque à laquelle il a voué sa carrière.

RC


   Revue archéologique de Bordeaux tome CIII, année 2012