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Paul Roudié (1916-1994)

 

Né à Fumel en 1916 dans une famille de médecins, Paul Roudié choisit de faire carrière dans l'enseignement. Après ses études à la Faculté des Lettres de Bordeaux, ii fut d'abord professeur de Lettres classiques au lycée Gay-Lussac de Limoges (de 1938 à 1948 avec l’interruption de la guerre) puis au lycée Montesquieu de Bordeaux. Attaché de recherches au Centre national de la recherche scientifique, il peut satisfaire sa vocation pour l'histoire de l'art qu'il enseignera d'abord en tant qu'assistant, à la Faculté des Lettres. Rattaché à nouveau au CNRS en 1967, il est affecté à la toute nouvelle commission régionale « Aquitaine », de l'Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France. Sept ans plus tard il retrouve l'université (devenue entre-temps Bordeaux III) où il succède au professeur François-Georges Pariset dans la chaire d'histoire de l'art moderne et contemporain qu'il occupera jusqu'à sa retraite en 1982.

L’œuvre scientifique de Paul Roudié est considérable à la fois par l'abondance de ses publications (près de 130 titres, d'ouvrages et articles) et par l’originalité des sujets abordés.

Sa méthode qui consistait à partir des archives puis à rechercher les œuvres signalées dans les textes lui permit de renouveler la connaissance de larges domaines oubliés de l'art bordelais, en particulier celui des XVIe et XVIIe siècles. De ce point de vue sa thèse de doctorat soutenue en 1979 est exemplaire de sa démarche et de ses curiosités. Consacrée à L'activité artistique en Bordelais et en Bazadais de 1453 à 1550 cette enquête minutieuse envisage aussi bien l’architecture que la sculpture et la peinture ainsi que les arts appliqués ('vitraux, enluminures, broderie et tapisserie, orfèvrerie, mobilier). Grâce aux sources communales et notariales, aux inventaires, aux testaments, aux procès, l'auteur retrouve des œuvres perdues détruites) et dégage le tableau d'une Renaissance bordelaise qui dans l’ensemble est comparable, en dépit d’un moindre éclat, à celle des régions plus célèbres.

Paul Roudié portait un intérêt particulier, et rare chez les historiens de sa génération, à la sculpture qu’il aimait dans ses expressions pondérées et classiques. Ses prospections dans ce domaine ont été particulièrement fructueuses, attirant l'attention sur des maîtres oubliés comme Julien Rochereau, sur des œuvres méconnues comme la mise au tombeau de l’ancien couvent de l'Annonciade qu’il attribua à l'atelier château de Biron ; il redécouvrit la sculpture bordelaise du XVIIe siècle et s'attacha à rendre sa place au landais Robert Wlérick l'un des meilleurs représentants, avec son compatriote Despiau, du courant moderniste « classique » du XXe siècle. En effet, Paul Roudié entendait ne se laisser enfermer ni dans un domaine de l'art, ni dans une époque, ni dans une région.

En charge à l'Université de l'enseignement de l'art moderne et contemporain, ses études vont du XVe au XXe siècles et ce champion du régionalisme n'a pas borné ses enquêtes aux frontières de sa province.

Ainsi, la publication dans laquelle il authentifia le seul portrait signé et sûr de Corneille de Lyon permit au musée du Louvre d'acquérir cette œuvre. Exemples à l'appui, il s'évertua à démontrer - idée qui lui tenait particulièrement à cœur - le soi-disant retard provincial, correspondait moins à un décalage chronologique de la connaissance, par la province, des formes et des modes artistiques nouvelles qu'à certaine lenteur pour les adopter

Membre de l'Académie nationale des Sciences, Belles Lettres et Arts de Bordeaux et de plusieurs sociétés savantes, le professeur Roudié a assuré la présidence de la Société Archéologique de Bordeaux de 1980 à 1982. Dans ces fonctions il s 'appliqua à ouvrir plus largement les communications au domaine de l'histoire de l'art et réussit à moderniser la présentation de notre revue et à assurer la régularité des parutions. Pédagogue consciencieux et attentif à ses étudiants, ce savant discret et bienveillant a formé de nombreux historiens de l'art qui ont bénéficié de l'exemple de sa méthodologie exigeante et rigoureuse.

 

Robert Coustet

 

Revue archéologique de Bordeaux, tome LXXXIV, année 1993