Christelle Lozère (Revue CI année 2010)
Christelle Lozère
p. 187-202
Résumé :
Bordeaux et la culture coloniale 1850-1940
Avec la constitution de l'empire colonial, à la fin du XIXe siècle, Bordeaux, dont la tradition commerçante était déjà bien établie, rêve de devenir la « capitale coloniale de la France » en concurrence avec les villes de Paris, Marseille et Lyon. Face à la méconnaissance des Français sur ces pays et ces peuples aux « moeurs curieuses et sauvages », les élites bordelaises cherchèrent à promouvoir les produits en provenance des colonies et, en même temps, à diffuser l'idée et le goût des cultures coloniales.
Les expositions commerciales, industrielles et artistiques se révéleront comme un moyen festif, théâtral et didactique de vulgarisation populaire. Bordeaux, ville pionnière, organisera plus d'une quarantaine d'expositions et de foires coloniales sur les Quinconces entre 1850 et 1940. Les plus prestigieuses seront celles organisées par la Société Philomathique de Bordeaux, en 1895 et 1907. Mis en scènes dans de véritables palais coloniaux, Bordeaux vend du « rêve colonial ». Avec ses pavillons coloniaux particuliers, Bordeaux sera consacré, en 1923, première « foire coloniale de France ». Dans ce même esprit pédagogique et paternaliste, Bordeaux ouvrira cinq salles de musées aux colonies françaises. Pendant plusieurs décennies, Bordeaux affirmera fièrement son identité coloniale à travers ses manifestations culturelles et le dynamisme de ses activités portuaires. L'élan colonisateur ne s'est pas arrêté à une simple propagande politique et mercantile : ce fut avant tout la mobilisation d'énergies humaines qui, dans la passion de l'histoire en marche, ont mis en scène leurs convictions à travers d'ambitieuses démonstrations. Aujourd'hui, les fonds artistiques et ethnographiques des musées bordelais et l'abondance des collections privées témoignent aussi d'un véritable goût pour l'ailleurs et pour la différence. Pour le meilleur comme pour le pire, la richesse incontestable des faits historiques révèle que l'histoire des outre-mers a toujours été liée à la ville de Bordeaux.
Christelle Lozère
Bordeaux and colonial culture 1850-1940
With the constitution of the colonial empire at the end of the 19th century, Bordeaux, whose commercial tradition was well established, dreamt of becoming «France's colonial capital » in competition with Paris, Marseille and Lyon. Because the French knew very little about these countries and peoples with « strange and primitive customs », the Bordeaux elite attempted to promote produce from the colonies and at the same time to cultivate the idea of and taste for colonial culture. Commercial, industrial and artistic exhibitions turned out to be a festive, theatrical and didactic means of popularization. Bordeaux, a pioneer city, organized over forty colonial exhibitions and fairs on the Quinconces between 1850 and 1940. The most prestigious ones were organized by the Philomatic Society of Bordeaux in 1895 and 1907. The city of Bordeaux staged those exhibitions and fairs in real colonial palaces and sold the "colonial dream". With its special colonial pavilions Bordeaux was acclaimed as the principal "colonial fair of France" in 1923. In a similar educational and paternalistic vein, the city dedicated five rooms of its museums to the colonies.
For many decades Bordeaux proudly asserted its colonial identity through its cultural events and dynamic port activities. The colonizing momentum was not mere political and mercantile propaganda; it was above all the rallying of human dynamism whose convictions were ambitiously put on display. Today the artistic and ethnographic collections in the museums and the abundant private collections show a real taste for the elsewhere and for the different. The unquestionable wealth of historical facts reveals that the history of overseas territories has always been linked to the city of Bordeaux for better or for worse.
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