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Jean-Pierre Méric (Revue CIII année 2012)

Résumé :

Faut-il réhabiliter Monseigneur Donnet et ses clochers ?

Cent trente ans après sa mort, Ferdinand Donnet demeure dans la mémoire girondine comme l’archevêque de Bordeaux (1837à 1882), le plus destructeur des « merveilles » médiévales sacrées de son diocèse. Certes, son action est partout manifeste aujourd’hui dans le paysage bordelais grâce aux clochers dont il a encouragé ses curés à parsemer la campagne. A-t-elle été aussi ravageuse et radicale qu’on le prétend ?

À vrai dire, le prélat – cardinal en 1852 – n’agit pas autrement que ses confrères français à la tête de diocèses plus ou moins prestigieux. Il ne fait qu’inscrire son action dans le souci pastoral qui les préoccupe tous : rendre à Dieu et à la religion catholique la place éminente dont la Révolution les a évincés. Démarche qui passe, évidemment, par le relèvement des églises en mauvais état, la construction d’édifices nouveaux, et l’érection de clochers visibles de tous et de partout.

On ne peut nier qu’il s’agisse, notamment pour le diocèse de Bordeaux, d’une sorte de fièvre restauratrice et constructrice. Parce qu’elle n’est pas aussi iconoclaste qu’on le dit, il convient de la resituer dans son double contexte. Religieux d’une part : celui qui tend à imposer en France la liturgie romaine. Artistique d’autre part : celui du choix du gothique du XIIIe siècle comme le plus apte à montrer ce puissant désir de renouveau de l’église.

Dès lors les clochers, les églises et leur décoration picturale, la statuaire, les vitraux, la musique, n’apparaissent plus comme le goût dévoyé d’un seul homme, le Cardinal Donnet. Ne s’agit-il pas plutôt de l’un des derniers triomphes d’un catholicisme étalant une puissance qui va s’avérer dérisoire face aux épreuves qui l’attendent ?


 Should Cardinal Donnet and his bell towers be restored to favour?

One hundred and thirty years after his death Ferdinand Donnet is still remembered by the people of the Gironde as the Bordeaux archbishop who destroyed the greatest number of sacred medieval “wonders “in his diocese. Of course his legacy is present today in Bordeaux thanks to the bell towers which he encouraged the parish priests to build. Was his action as destructive and radical as it is said to be?

In fact, the prelate -cardinal in 1852- acted in the same way as his French fellows who were in charge of more or less prestigious dioceses. What he did corresponded perfectly with their shared pastoral concern: giving back to God and Catholicism the prominent position which the French Revolution had deprived them of. Naturally this meant to reconstruct churches in a bad state, to build new edifices and to erect bell towers that everyone could see from everywhere. One cannot deny that it is a question of a kind of restoration and construction fever, especially in the diocese of Bordeaux.

Since it was not as iconoclastic as it is said to be, the issue has religion, which aims to impose the Roman liturgy in France; on the other hand, there is art, which maintains that 13th century Gothic is the most appropriate style to represent the renewal of the Church. Consequently, the bell towers, the churches and their pictorial decoration, the statuary, the stained glass and the music should not be seen as the exaggerated style of one only man, Cardinal Donnet. Could it be one of the last triumphs of a Catholicism trying to demonstrate its power, a power which would prove ridiculously unequal to its future ordeals?

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